Bernard Lambeau

March 5, 2021

Le Corona et les joueurs de biniou

Comme ces quelques dernières semaines nous l’ont montré, certains problèmes - par exemple vacciner toute sa population avec un vaccin qui arrive au compte-goutte - résistent à notre souhait de contrôle et d’efficacité. Avant de conclure qu’un tel problème est intrinsèquement intraitable et qu’il faut accepter les « couacs », il convient de s’interroger. Est-il possible que la difficulté tienne moins du problème que de la solution mise en oeuvre? Est-il possible qu’il existe une autre solution d’un ordre de grandeur supérieure?

Lors du premier confinement nous avons été beaucoup à ouvrir portes et fenêtres et applaudir à 20h. Personne ne nous y a obligé. Nous n’avons reçu ni invitation personnelle, ni code à recopier, ni instructions compliquées. Et pourtant nous l’avons fait. De quelques uns d’abord, grâce au relais des médias et des réseaux sociaux, nous avons été chaque jour plus nombreux.

« La vaccination est bien plus compliquée » m’objecterez vous. « Pour applaudir il faut juste ses mains. »

Admettons donc que, chaque soir à 20h, il faille que seuls les plus de 65 ans qui aiment la musique celtique et n’ont pas joué récemment ouvrent leur fenêtre pour jouer du biniou, sans même avoir de biniou. Admettons aussi que chaque commune de Belgique reçoive de temps à autres entre 50 et 100 binious à distribuer, c’est à dire pas assez. Qu’ensuite les règles du jeu changent. Puis changent encore, puis encore, puis encore. Et qu’après quelques mois il faille que tout le monde ait joué du biniou, sauf ceux qui vraiment détestent cela.

Chercheriez-vous à écrire un logiciel qui, sans pouvoir se tromper, envoie des SMS individuels aux joueurs de biniou qui aiment la musique celtique, ont plus de 65 ans, et n’ont pas joué récemment? Pour qu’ensuite les règles changent? Non. Cette voie est sans issue.

Donc pas de concert biniou? Ou une cacophonie!



Pourtant il existe une solution simple. Un « protocole » qui quand on l’observe, se déroule comme ceci:

1/ A la TV, à la radio, et sur les réseaux sociaux

« Vous avez plus de 65 ans, jouez du biniou, et aimez la musique celtique? Contactez votre commune avant ce soir et recevez votre biniou »

2/ Une citoyenne téléphone à la commune

- Bonjour, j’aimerais un biniou pour ce soir
- Sans soucis Madame, il m’en reste 7. Je vous en réserve un, mais vous vous engagez à passer le prendre encore aujourd’hui hein!
- Bien sûr, merci. Je passerai vers 15h.

3/ Un autre citoyen, un peu plus tard

- Bonjour, j’aimerais un biniou pour ce soir
- Désolé Monsieur, je n’en ai plus pour l’instant. Puis-je prendre votre adresse email? Nous vous tiendrons au courant à la prochaine livraison.

4/ Lors d’une livraison ultérieure, la commune envoie un mail groupé

« Vous avez précédemment indiqué votre intérêt pour jouer du biniou. Si vous n’avez pas entretemps trouvé, sachez que nous en avons reçu de nouveaux. Merci de prendre contact avec la commune. »




J'entends d’ici les objections. Ca fonctionne ça, en pratique? Quid des tricheurs? Quid de la frustration au bout de la 10eme tentative? Un vaccin n’est pas un biniou, il faut le conserver à -70°! Combien de personnel faut-il derrière les téléphones?

Ce type de problématique est résolue de longue date dans nos commerces locaux, dans la production de voitures, dans les logiciels peer to peer, et dans bien d’autres systèmes avec ou sans contraintes supplémentaires.

Un système reposant sur le protocole suggéré ci-dessus est simple et efficace, optimise le débit sans dépasser le stock disponible, ne requiert pas de logiciel complexe, peut être néanmoins soutenu par de l’informatique, s’auto-régule, ne coûte pas grand chose, et supporte plusieurs niveaux en cascade. Nous tenons à disposition - de la task force vaccination, des ministres de la santé, des régions, des communes, des centres de vaccination, des maisons médicales, des médecins - une description plus précise du protocole.

Aurons-nous collectivement le courage d’accélérer la vaccination en changeant de paradigme? A défaut, aurons-nous localement le courage d’oser des solutions sans l’aval du fédéral?

En attendant réponse à ces questions légitimes, chaque fois que dans la presse nous lisons que les frigos retiennent les doses par centaines de miliers, ressortons tous et toutes à 20h et jouons du biniou du plus fort que l’on peut.