
Ce matin sur Twitter j'invitais les politiciennes et politiciens raisonnables à démissionner, prenant acte par là du fait que le débat politique n'est plus à la hauteur de l'enjeu démocratique qu'il doit soutenir. J'aimerais ici m'expliquer plus en détails.
Dans le cadre de mon travail, il m'est arrivé plusieurs fois de claquer la porte et de quitter en colère l'entreprise qui m'engageait - comme développeur informatique, consultant, chef de projet, ou CTO. Je suppose que mes (anciens) collègues ou patrons ont interprété cela comme la preuve ultime que je suis un connard colérique avec lequel il est impossible de travailler. Ce n'est ni vrai ni faux. Ce n'est surtout pas le sujet.
En repensant longuement à ces différents échecs je suis venu à la conclusion que, s'il me fallait travailler sur ma colère en situation d'impuissance (ce que je fais), je continuerais à claquer la porte dès lors que l'entreprise, le système ou l'équipe m'empêche de tenir mes responsabilités. Pas parce que c'est ma faute. Pas parce que c'est la leur. Parce que les lignes dans ces cas là doivent changer pour pouvoir à nouveau avancer.
Sinon qu'arrive-t-il?
La valeur cumulée du travail effectué malgré tout par l'équipe tend vers zéro. On travaille, soit, mais ne pas travailler reviendrait presqu'au même.
Qu'il s'agisse de développement informatique, d'une salle de profs, des ministres, ou du Parlement, une équipe doit être tournée vers celles et ceux qui peuvent profiter des résultats de son travail. Une équipe de développement se tourne vers les utilisateurs du logiciel, à qui elle délivre de nouvelles fonctionnalités. Une salle de prof vers ses élèves à qui elle délivre une culture et une instruction.
Etrangement, une équipe peut ne rien délivrer à ses sujets tout en travaillant énormément. Il est ainsi fréquent de voir des équipes de développement écrire des logiciels jamais utilisés, des professeurs parler dans le vide, etc. Les bullshit jobs sont sans doute la pire forme que l'on connaisse: loin d'être empêché, le job n'a pas d'utilité au départ.
De manière résolument simplifiée, nous avons donc:
- Les colères et burnouts chez les empêché.e.s,
- Les brown-outs chez les inutiles,
- Toutes celles et ceux qui soit n'ont pas conscience que la chaîne est cassée, ...
- ... soit pas le luxe de sortir de la chaîne par eux-mêmes (et terminent en burn/brown-out),
- Puis enfin ceux et celles qui profitent du fait que la chaîne soit cassée
Revenons à nos politiques voulez-vous. Nul ne peut dire en observant le jeu politique que ses acteurs ne travaillent pas. En radio, à la TV, en interview, sur les réseaux sociaux, en comités et commissions, dans les partis, à la tribune du Parlement, en visite de terrain, souvent le jour, parfois la nuit, voilà des gens qui s'activent.
Pour quels résultats?
Pour répondre à cette question, il convient d'en poser une autre.
Qui sont donc celles et ceux qui profitent des résultats d'un travail politique bien fait?
Les citoyens.
Quel résultat représente un travail politique bien fait?
En démocratie, un riche débat au sein d'une société globalement apaisée.
Le débat est-il riche, et la société apaisée?
Non. CQFD.
Merci aux politiciens de claquer la porte. Je vous autorise la colère, le burnout, et l'inconscience. Vous avez un job utile et, comme moi, le luxe de sortir de la chaîne ainsi cassée.
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Sauf si bien sûr aux questions / réponses l'on répond différemment.
Qui sont donc celles et ceux qui profitent des résultats du travail politique?
- Les politiciens eux-mêmes,
- Le parti et son idéologie,
- Ses militants,
- Le petit microcosme qui profite de son lobbying particulier,
- Ceux et celles qui souhaitent une société non apaisée