Lomig

May 22, 2022

Juste un instant

Date de publication originale : 30 novembre 2017
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Un petit bonnet blanc de laine, surmonté d'un pompon étoffé et duveteux, se balançant de gauche à droite.

Gauche, droite, gauche, droite, gauche.

Gauche. C'est ce qui caractérise cette petite démarche volontaire. La fillette n'a pas 5 ans, mais elle avance d'un pas décidé, entre sa mère voilée et son père au costume élimé et flottant sur ses jambes maigres.

Gauche, droite, gauche, droite, gauche.

Gauche. C'est ce qui caractérise cette attitude empruntée du père, qui regarde sa fille aborder l'escalier qui les mène devant moi à la gare. Ses mains occupées par une grosse valise, il couve son oisillon — gauche — du regard.

Gauche, droite, gauche, droite, gauche.

Gauche, la démarche, mais s'approcher de la fillette y donne sens ; la gamine déambule sur deux pieds tournés vers l'intérieur, comme si la nature avait voulu la condamner à une quatrième position de danse classique perpétuelle et l'empêcher de jamais trouver son équilibre.

Gauche, droite, gauche, droite, gauche.

Gauche, le bonnet blanc tient difficilement la posture immobile, et pas encore la rambarde. Il vacille, pompon flottant au vent.

L'homme s'arrête.
« Juste un instant, zozotte l'enfant fébrile, juste un instant, Papa. »

Concentration.
Une marche.
Droite.

Rambarde.
« Juste un instant, encore un instant. »
Gauche.

L'homme prend affectueusement sa fille sur un bras, s'arrangeant pour traîner de l'autre sa valise lourde comme mon cœur devant cette saynète improvisée, et monte les marches restantes pour atteindre l'entrée du bâtiment.

Alors que je les dépasse, je perçois le sourire triste de 4 ans, ses petits bras d'enfant serrant le coup du vieil homme. De la déception dans la voix, elle constate, amère :
« Juste un instant, j'y serais arrivé, tu sais, il me fallait juste un instant. »

Gauche, droite, gauche droite, gauche.